samedi 23 janvier 2010

Delerm

 Avec Dumas, et Gavalda, Delerm est probablement mon auteur préféré. Dans son livre le plus célèbre, La première gorgée de bière, en 2-3 pages -même pas-, Philippe Delerm vous raconte un épisode de la vie de tout les jours, qui vous est déjà très probablement déjà arrivé: écosser les petits pois (voir extrait ci dessous), l'inhalation, mouiller ses espadrilles, le croissant du trottoir ou encore l'odeur des pommes, tous ces "plaisirs minuscules" y passent, pour notre plus grand bonheur. Ce livre nous apprend à vivre le moment présent.
La style de Delerm est semblable à celui de Gavalda, avec un vocabulaire plus cherché, plus soutenu: on vit ce qu'ils écrivent.


" C'est facile, d'écosser les petits pois. Une pression du pouce sur la fente de la gousse et elle s'ouvre, docile, offerte. Quelques-unes, moins mûres, sont plus réticentes - une incision de l'ongle de l'index permet alors de déchirer le vert, et de sentir la mouillure et la chair dense, juste sous la peau faussement parcheminée. Après, on fait glisser les boules d'un seul doigt. La dernière est si minuscule. Parfois, on a envie de la croquer. Ce n'est pas bon, un peu amer, mais frais comme la cuisine de onze heures, cuisine de l'eau froide, des légumes épluchés - tout près, contre l'évier, quelques carottes nues brillent sur un torchon, finissent de sécher. Alors on parle à petits coups, et là aussi la musique des mots semble venir de l'intérieur, paisible, familière. De temps en temps, on relève la tète pour regarder l'autre, à la fin d'une phrase ; mais l'autre doit garder la tête penchée - c'est dans le code. On parle de travail, de projets, de fatigue - pas de psychologie. L'écossage des petits pois n'est pas conçu pour expliquer, mais pour suivre le cours, à léger contretemps. Il y en aurait pour cinq minutes, mais c'est bien de prolonger, d'alentir le matin, gousse à gousse, manches retroussées. On passe les mains dans les boules écossées qui remplissent le saladier. C'est doux ; toutes ces rondeurs contiguës font comme une eau vert tendre, et l'on s'étonne de ne pas avoir les mains mouillées. Un long silence de bien-être clair, et puis : - Il y aura juste le pain à aller chercher. "


1 commentaire:

Unknown a dit…

J'adore ce livre... je suis justement en train de le lire!